Notre empreinte cachée 2/2

Voici la suite du premier article pour présenter le livre de Babette Porcelijn, récemment traduit et adapté en français sous le titre Notre empreinte cachée (Editions du Seuil, Collection Anthropocène).

Pour entrer dans le vif du sujet, l’auteur propose de calculer le « Top 10 » de nos impacts individuels sur la planète. Les impacts retenus sont les suivants : émission de gaz à effet de serre, consommation d’eau, pollution des milieux (terrestres ou aquatiques), consommation de terres et déforestation.

 

Comme ces impacts sont divers, il peut sembler impossible ou artificiel de les ajouter pour classer entre elles des activités telles que l’habillement ou le chauffage de son logement. (C’est effectivement une des difficultés de ce sujet, qui ne doit pas nous arrêter mais dont il faut rester conscient).

Cette liste d’impacts est néanmoins l’occasion de rappeler que le « pic pétrolier », ou pour le dire autrement l’épuisement des ressources en hydrocarbures, n’est probablement pas un problème sérieux : si l’on consommait encore ne serait-ce que 25 % des ressources restantes en pétrole, les dégâts sur l’atmosphère, et donc sur le climat et par conséquent sur l’ensemble de nos activités serait tout bonnement incalculable, et certainement cataclysmique – pour autant que nos modèles actuels permettent d’en juger. La lutte contre les émission de gaz à effet de serre est donc nécessairement prioritaire.

Ensuite, mettre en lumière les impacts d’une activité n’est pas la diaboliser. Bien au contraire, chaque « gros » impact qu’on découvre devient une occasion de modifier notre comportement. La plupart du temps le changement est presque indolore et peut ainsi avoir un effet très positif à peu de frais.

 

Voici quelques unes des clefs d’analyse proposées dans ce livre :

– Du point de vue de l’auteur, l’activité humaine peut se décomposer en trois champs : les consommateurs, les entreprises et les États.  Ce découpage simple permet d’identifier les domaines sur lesquels le lecteur peut agir concrètement, qui recouvrent en fait les différentes dimensions de sa vie (principalement utilisation de son argent et mode de vie, travail, vie civique et sociale).

– la majeure partie de nos impacts en tant que consommateurs est cachée, car bien souvent elle n’est pas située sur le lieu de consommation. Ceux qui jardinent en font facilement l’expérience : pour une salade ou une tomate dans l’assiette, quel volume d’eau a-t-il fallu capter au jardin par rapport à celle que l’on a utilisée au robinet pour la nettoyer par exemple ? En règle générale, seulement 3 % de notre consommation d’eau se situe à l’intérieur de notre habitation ! Le reste se cache dans nos objets et nos aliments.


(A ce propos, que signifie la « consommation d’eau » ? L’eau est une ressource limitée sur Terre, qui peut être produite ou consommée lors de certaines réactions chimiques. Cependant c’est le cycle de l’eau à l’échelle de la planète qui détermine en grande partie quelle est la ressource disponible à un endroit et à un moment donnés. Consommer de l’eau, cela peut ainsi vouloir dire 1) consommer de l’eau potable, ou du moins traitée, qui nécessite en général de l’énergie pour être obtenue, et la transformer en eau « sale » : dans ce cas on se contente d’accompagner le cycle de l’eau, en consommant de l’énergie et en polluant au passage ; 2) capter de l’eau au cours de son cycle, comme font les plantes après la pluie ou les systèmes d’irrigation : dans ce cas il y a consommation à proprement parler.)


– il y a au moins trois niveaux dans la « conversion écologique », selon l’objectif poursuivi : être soutenable, éco-neutre ou éco-positif. Notre planète a la capacité d’absorber beaucoup d’impacts dus aux activités humaines. Si l’on veut seulement se maintenir sous ce seuil, on est dans une démarche soutenable. (A ce propos, l’ONG américaine Global Footprint Network diffuse chaque année la date où ce seuil de soutenabilité est dépassé, le « jour du dépassement »– et c’est de plus en plus tôt, le 1er août en 2018. L’activité humaine actuelle se situe donc bien au-delà du seuil planétaire.) Si l’on souhaite que nos impacts négatifs soit compensés par des impacts positifs (on « aide » alors certains écosystèmes en plantant des arbres, par exemple), on vise l’éco-neutralité. Pour aller plus loin, et c’est alors que cela devient à la fois exigeant et extrêmement motivant, on peut chercher à apporter quelque chose au milieu où l’on vit, c’est-à-dire à être éco-positif. La permaculture se retrouve dans cette dernière catégorie, puisque par le travail et l’intelligence humaine on cherche à avoir un impact globalement positif sur la biodiversité et le sol.

 

Parmi les sources majeures d’impacts pour un français moyen, on peut relever (sans les classer)

– la consommation de viande (les impacts sont dus en bonne partie à l’alimentation des animaux dans l’élevage intensif, qui nécessite beaucoup d’eau et de grandes surfaces parfois gagnées sur des milieux naturels comme des forêts, en particulier en Amérique du Sud) ;

– les nouveaux objets (l’auteur prend l’exemple d’une voiture qui consomme moins que le modèle précédent ; même sous des hypothèses raisonnables, cela peut prendre plus de 10 ans avant que l’impact de la fabrication de cette nouvelle voiture soit « compensé » par l’essence économisée). De manière générale, le coût de réparation de beaucoup de nos objets ne serait pas si ridiculement élevé par rapport au prix de l’objet neuf si l’impact écologique était pris en compte de façon sérieuse plutôt que d’être supporté de façon passive par la collectivité et les générations futures ;

– les trajets en avion (certes, à distance égale l’avion ne pollue pas vraiment plus que la voiture. Encore que les émissions en altitude semblent être plus dangereuses que celles au niveau du sol. Mais il est bien plus pertinent de comparer soit le temps passé dans les transports (lequel n’évolue pas, ou presque) – 3h d’avion polluent bien plus que 3h de voiture – soit la propension à voyager : qui irait aux États-Unis s’il fallait se contenter du bateau ?).

 

Les concepts développées dans ce livre stimulent nos réflexions sur notre mode de vie, et nous incitent à éviter de nous contenter de certains gestes « naïfs » qui donnent bonne conscience sans pour autant avoir un effet réel. Il s’agit d’un véritable chemin de conversion, où pas à pas nous cherchons à mettre nos choix et nos actes en cohérence avec notre conscience et notre intelligence.

 

Nous espérons que cette présentation vous aura donné envie de vous renseigner par vous-mêmes et, peut-être, de puiser à votre tour dans ce livre accessible qui mérite d’être lu.

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