Nous nous sommes rencontrés à Tokyo dans la paroisse francophone. Ça me parait toujours aussi incroyable d’avoir dû aller au bout du monde pour rencontrer l’homme avec qui je choisirais de passer le reste de ma vie. Je me sens également toujours aussi chanceuse d’avoir reçu un tel cadeau. Dans de telles circonstances, le retour sur les terres de notre première rencontre pour notre voyage de noces était une évidence. 3 ans et demi plus tard, je retrouve avec beaucoup de joie les dessins réalisés pendant notre séjour.
L’itinéraire du voyage était une surprise, et le gros chat a merveilleusement organisé les choses. Je savais juste que nous irions à Tokyo et Kyoto et que nous ferions un tour entre ces deux villes. Je peux comprendre un peu mais ne parle pas japonais et je n’avais jamais quitté Tokyo, alors que lui connait mieux que moi le pays et peut parler et lire un peu, j’étais contente qu’il me fasse découvrir de nouvelles choses (et il faut le dire, sortir de la capitale sans un mot de japonais est un peu compliqué). Nous sommes arrivés quasiment deux ans jour pour jour après mes tous premiers pas sur le sol nippon (et donc à peu près aussi deux ans après notre rencontre). Le pays fêtait la Golden Week, une période importante de congés au Japon où 4 jours fériés se succèdent pour célébrer l’anniversaire de l’Empereur, le jour de la commémoration de la Constitution, le jour de la nature et le jour des enfants (où l’on accroche des koinobori partout, comme celles-ci que j’ai fabriquées pour notre famille).
J’aurais beaucoup de choses à dire sur le Japon, mais n’en parler qu’un peu serait trahir ce pays si riche et insaisissable. Un ami français vivant au Japon nous a rapporté ces paroles : « Quand on passe 3 semaines aux Japon on a l’impression de très bien le connaître, au bout de 3 ans de ne pas trop le connaître, et au bout de 30 ans on se dit qu’on ne le connait pas du tout. » Les mots me manquent et pour moi l’expérience du Japon est plus visuelle que verbale : je laisserai surtout mes photos et dessins raconter pour moi.
Le retour au Japon est en grande partie une fête gustative ! Parmi mes plats préférés, l’okonomiyaki, une sorte de galette à base de chou et de bacon, parsemée de sauce et de bonite séchée (dit comme ça ça ne fait pas rêver, mais c’est vraiment très bon !), et le kara-age, un poulet frit qui se mange avec du chou coupé en fines lamelles. Je n’étais pas très portée sur le chou au départ mais avec la cuisine japonaise j’ai été conquise. Nous avons essayé de nombreuses recettes pour en faire à la maison et c’est avec celles de Bernard que l’on retrouve le mieux le « vrai » goût, que l’on refait régulièrement (voir là la recette d’okonomiyaki et ici celle de kara-age, même si nous simplifions un peu celle d’okonomiyaki en nous passant notamment de l’igname des montagnes).
Il y a bien sûr aussi les sushi, mais là c’est plus compliqué à refaire à la maison, alors nous nous contentons des rares authentiques sushiya que nous avons pu trouver près de chez nous. Le livre L’art du sushi de Franckie Alarcon dresse un beau tour d’horizon de ce plat à part.
Pour nous déplacer hors de Tokyo nous avons pris le Shinkansen, ce TGV japonais qui propose des forfaits très avantageux aux étrangers via le JR Pass. J’aime beaucoup voyager en train (et en plus c’est écologique, comme expliqué ici dans notre réflexion sur une nouvelle façon de voyager plus éco-responsable).
J’ai découvert grâce au très beau récit de voyage de Nicolas Bouvier Chroniques japonaises (écrit dans les années 70) qu’au Japon l’unité de mesure des surfaces est le tatami, dont la taille est standard (environ 91×182 cm). J’étais surprise de découvrir que les pièces dont le sol est recouvert de tatami sentent fort, et il faut s’habituer à l’odeur de la paille de riz pour pouvoir dormir au niveau du sol sur un futon. Mon cher mari rêve d’avoir un jour une pièce ainsi recouverte, je ne sais pas si cela se concrétisera…
Les plaques d’égout japonaises sont très travaillées, chaque ville a son dessin qui reprend des spécialités locales. Ici à Nara on retrouve le cerf sida emblématique.
A Kyoto nous avons eu beaucoup de pluie, je trouve que cela rend le pays encore plus beau. Dans la grisaille les plantes et les kimonos prenaient de magnifiques teintes fluo… J’ai fini par arrêter de prendre en photo les jardins, je me suis rendue compte que les images ressemblaient toutes à des fouillis verts, et restituaient de manière très fade la beauté de ces lieux extrêmement travaillés (les jardiniers travaillent en continu pour enlever mauvaises herbes et feuilles mortes, afin que la terre reste nue et que la mousse recouvre tout le sol). Ça rend mieux en dessin, mais c’est tellement long que je n’en ai pas dessiné beaucoup. Le mieux était finalement de s’asseoir et de s’imprégner… peut-être est-ce une porte d’entrée vers la méditation ? Je n’ai pas encore réussi à retrouver une telle atmosphère dans un jardin japonais reproduit en Occident…
Ce qui m’inspire le plus au Japon est l’univers très graphique dans lequel nous sommes plongés. Rien à voir avec le choc visuel de la nature à Tahiti que je raconte dans un autre carnet de voyage : au Japon, ce sont les couleurs et les motifs travaillés par l’homme, le contraste entre sobriété et overdose d’images flashy, entre kirei (le beau) et kawaii (le mignon). Je ne m’en lasse pas et mes dessins en ressortent enrichis.
詠本来面目
Honrai no menmoku wo yomu
Poem expressing “Original Face”
春は花 | Haru wa hana | Spring, flowers | ||
夏ほととぎす | natsu hototogisu | summer, cuckoos | ||
秋は月 | aki wa tsuki | autumn, the moon | ||
冬雪きえで | fuyu yuki kiede | winter, snow does not melt | ||
すずしかりけり | Suzushi kari keri | All seasons pure and upright. |
Dôgen (1200-1253)
(poème illustrant les jardins des quatre saisons du sanctuaire zen Ryoanji, le jardin minéral représentant l’hiver)
Nous avons fini notre périple à Hakone, dans la montagne entre le mont Fuji et Tokyo pour que je puisse enfin découvrir les onsen. Ce sont des thermes dont les sources sont chauffées par les volcans. L’eau est brûlante et très enrichie en soufre, et aurait des vertus apaisantes et bonnes pour la santé. Pour s’y rendre l’hôtel prête des peignoirs qui évoquent les yukata, ou kimono en coton, et qui ajoutent à l’expérience.
3 réflexions sur “Carnet de voyage #2 Japon”